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  • Photo du rédacteurMickaël Ramseyer

Apprendre à perdre pour gagner !


Enfant, j’ai longtemps été placé dans la catégorie du « mauvais perdant ». J’ai depuis dû apprendre à perdre. Aujourd’hui, je trouve que perdre dans la vie personnelle ou professionnelle est un des meilleurs enseignements que la vie puisse nous offrir.

Je cible mon propos d’aujourd’hui sur les jeux de société, et je cherche répondre à la question de comment et pourquoi perd-on ?


Perdre est-il une question de chance ?


Dans mon cas, j’avais l’impression d’être invincible et de toujours gagner aux jeux auxquels je jouais : était-ce une sur-bienveillance parentale, ou une démonstration d’un QI hors norme ? Le fait est que je n’ai pas été confronté à la perte dans un jeu avant bien longtemps dans ma vie ! C’est ainsi que je me suis retrouvé à l’âge adulte face à d’autres joueurs adultes, voire face à des enfants !, et à perdre à des jeux de société. Horreur pour moi ! Serais-je devenu stupide entre temps ?

Non, bien entendu. Quand je pense à ceci, j’oublie la part de chance qui existe dans beaucoup de jeux de société. Prenez le jeu Catane par exemple, qui est beaucoup basé sur la chance de départ. Dans certaines parties de jeu, vous aurez beau faire tout ce que vous pouvez faire de mieux, vous ne pourrez pas aligner vos routes, vous n’arriverez pas à atteindre vos ressources nécessaires juste à cause d’un tirage de dés, etc.


Perdre est principalement lié à des facteurs internes


Au-delà de la chance qui est un facteur extérieur, je pense que le facteur est principalement interne et, en particulier, mental. Mon cerveau pensait beaucoup : « Ne te foule pas. De toute façon, tu es intelligent, tu vas gagner ». Sauf qu’en commençant un jeu de société en se disant cela, je perdais de nombreux tours de jeu – je commençais ma partie sans stratégie, alors que les autres déroulaient déjà toute leur stratégie. Pour éviter cet écueil, il faut se dire qu’au-delà d’être intelligent dans l’absolu, il s’agit de comprendre l’intelligence du jeu en lui-même. Là est la question : où est l’intelligence du jeu ? Déjà qu’est-ce que l’intelligence du jeu ? Pour moi, c’est cet endroit dans le jeu au milieu du labyrinthe de règles qui nous permet de briller, ce trou de souris dans lequel on arrive à se faufiler avant les autres, qui nous permet d’obtenir « le coup de maître » et au passage, de mettre un coup au moral à ses adversaires.

Un bon exemple de jeu qui permet d’apprendre cela est le jeu Seasons. Jeu de deck, il faut choisir ses cartes dans une première phase de jeu avant de jouer à la seconde – cela peut durer un certain temps et cela oblige à devoir anticiper un maximum.

Ainsi, quand on aborde un nouveau jeu, je pense qu’il est nécessaire de poser un maximum de questions aux connaisseurs du jeu et que ces derniers ont la responsabilité de donner au minimum la direction globale du chemin vers la victoire. C’est comme donner une direction vers un point cardinal : vous ne dites pas non plus comment gagner, mais vous étayez des pistes. Je donne pour exemple le jeu Splendor – il faut y jouer un petit nombre de fois pour comprendre qu’il faut vite se décider sur sa stratégie, sans quoi les premiers tours de jeu sont perdus, et vos chances de vous rattraper seront minces.


Perdre c'est mal gérer ses émotions dans le jeu


Autre effet de notre cerveau, celui-ci a une prodigieuse capacité à garder en mémoire des émotions qui vous empêchent de rester concentré. Si vous restez mentalement coincé dans l’émotion générée par une mauvaise main au tour précédent, ou si vous restez subjugué devant le coup de maître du joueur précédent, vous arrêtez de penser à votre tour de jeu et ne jouez pas en état de conscience pleine et entière. Quand j’avais 16 ans, j’ai eu la chance d’apprendre à conduire. Un jour, lors d’un cours avec un moniteur, j’ai calé au moins 20 fois en une heure. Ce jour-là, j’avais appris que mon chien s’était enfui de la maison et qu’on ne le reverrait peut-être jamais et j’étais incapable de me concentrer sur le moment présent. La pédale d’embrayage n’était pas différente, ce sont mes émotions qui m’empêchaient de pousser correctement sur la pédale d’embrayage (acte ô combien doué d’intelligence). Et bien, c’est pareil quand on joue. Dans un jeu, on est constamment soumis à une multitude d’informations qui nous bouleversent, nous mettent en joie, nous mettent en colère, etc. Si on ne les refoule pas, si on ne les accepte pas, si on les stocke, on risque alors de les ressasser, de ne plus être dans le moment présent et de perdre une bonne fois pour toutes : c’est là que le rôle que je jouais si bien de « mauvais perdant » apparaissait ! Je pouvais devenir de mauvaise foi et blâmer l’autre, alors qu’en fait je n’avais pas réussi à gérer mes propres émotions (Je ne parle pas ici de cas de triche d’un adversaire, où vous avez tous les droits d’être énervé et de quitter la partie !).


Perdre, c'est se voir déjà vainqueur avant d'avoir franchi la ligne d'arrivée


Un autre effet pervers du mental est cette maladive anticipation à se voir vainqueur : mon cerveau anticipait ma prochaine victoire, car il voulait sa décharge d’adrénaline. C’est l’histoire du lièvre et de la tortue. Il voulait tellement toucher son Graal qu’il était prêt à sacrifier les derniers tours de jeux en oubliant de penser. J’ai beaucoup perdu à des jeux parce que je me voyais déjà vainqueur, ne voyant pas qu’à coté de moi, les cerveaux de mes adversaires restaient concentrés avançaient bien et plus vite que moi.

Le risque avec tout ça, c’est de ne plus vouloir jouer du tout et de s’enfermer dans un monde où on n’ose plus rien tenter sous prétexte qu’on a trop perdu. J’ai connu ça avec le jeu 6 qui prend : à ce jour, je ne comprends toujours pas la logique de ce jeu et je perds constamment : je prends toujours la mauvaise décision, je choisis entre deux cartes la mauvaise, j’anticipe mal en somme. Ça a été très dur pour moi à admettre, mais soit, c’est un fait : quelque chose me manque encore pour comprendre ce jeu. Je ne me dis pas stop, plus jamais, je me dis que je vais jouer à ce jeu avec des personnes bienveillantes qui m’aideront à m’améliorer 😊.


Perdre, c'est grandir ?


Ainsi, perdre, c’est la chance de pouvoir continuer à grandir, même à l’âge adulte ! Accepter de perdre, c’est aussi reconnaître l’intelligence de son adversaire et d’analyser sa pratique en vue de s’améliorer. Pas que je ne m’énerve plus de perdre, mais disons que je le prends avec bien plus de philosophie et de recul qu’autrefois.

Personnellement, les jeux qui m’ont appris à perdre le mieux sont les jeux collaboratifs : comme Pandémie ou Hanabi : ici, on perd tous ensemble ! Et oui, même à plusieurs on peut perdre. Et je me suis rendu compte que le monde continuait de tourner, qu’on pouvait quand même avoir passé un bon moment, qu’on pouvait avoir été supra-intelligent dans nos stratégies, même si cela n’avait pas été couronné de succès, et qu’on pourrait sûrement faire mieux la prochaine fois.

Dans ma vie professionnelle, j’essaie de me rapprocher de cet état de conscience au moment présent pour affronter les situations auxquelles je dois faire face pour tenter de perdre le moins péniblement possible. Cela nécessite bien sûr plusieurs conditions : un cadre favorable et des collaborateurs à l’écoute de vos besoins.

Alors, la prochaine fois que vous jouerez et perdrez, j’espère que vous vous direz « j’ai perdu, j’ai grandi ».


Et vous, qu’est-ce que cela vous fait de perdre ?


Mickaël

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